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L'art de culpabiliser


Culpabiliser, se sentir coupable, mais aussi faire en sorte que l'autre se sente coupable. Cette double définition est pleinement présente dans l'analyse limpide, illustrée et constructive que nous en donne Robert NEUBURGER dans "L'art de culpabiliser". L'auteur distingue 3 types de culpabilité. Celle relative à la loi, à une norme, à l'origine posée par le Père. Cette culpabilité est dite paternelle. Le second type de culpabilité, maternelle, est celle relative à la dette d'amour : plus que la recherche de l'amour, c'est la peur de perdre cet amour. Enfin, la culpabilité fraternelle, relative à la solidarité, qui s'exprime dans un groupe de pairs structurés autour d'un mythe de loyauté, de solidarité et de partage.

Neuburger va explorer cette typologie dans 2 champs relationnels : l'éducation des enfants et les couples.

Comme beaucoup de parents aujourd'hui, je suis pétrie de culture de parentalité positive, plutôt culpabilisante pour les parents! Et j'ai été surprise de lire ici la réhabilitation de l'éducation culpabilisante, comme nourrissant un surmoi chez l'enfant, structurant par rapport à la loi, l'amour et la solidarité (on retrouve ici sa typologie), et permettant de vivre en société avec des repères clairs et conscients que l'on décidera une fois adulte de respecter ou de transgresser. Il souligne, bien entendu, les effets pathogènes d'une culpabilisation éducative insuffisante ou exagérée. Enfin, il propose une typologie que j'ai trouvé étonnante des effets d'un excès d'une des 3 sortes de culpabilisation, avec les culpabilisés paternels qui deviennent juges, chefs ayant pour maître mot "je veux être respecté", les culpabilisés maternels qui deviendraient écrivains, avocats, journalistes avec comme maître demande "Je veux être aimé", et enfin, les culpabilisés fraternels qui deviendraient sportifs, syndicalistes avec pour demande "Je veux être reconnu". Il ne précise pas à quelle profil correspondent les psy... Les 3 je crois ;-)...

J'ai été particulièrement intéressée par son analyse du jeu de culpabilisation, et de la spirale noire, dans le couple. Selon Neuburger, le couple repose sur 3 piliers : l'engagement, l'amour et la solidarité, en échos aux 3 modes de culpabilisation d'ailleurs. Et chacun des membres du couple, en crise (ou pas!) va reprocher, culpabiliser l'autre selon le mode qu'il a le plus connu durant son enfance, bien plus que selon le sujet concerné. Il énonce aussi la culpabilité noire qui repose sur la désinformation et la distorsion des perceptions de l'autre (cacher une relation extraconjugale, et accuser l'autre d'être jaloux), ou la projection sur l'autre de son propre sentiment de culpabilité. Une autre façon encore de culpabiliser l'autre est de se maltraiter, "tu vois dans quel état je suis par ta faute" dit l'un, culpabilisant implicitement ainsi l'autre de son absence par exemple. Une façon pour ces couples de sortir de la spirale reproches, menaces, promesses, est d'apprendre à exprimer une demande claire, pour soi et pour son couple.

Accompagnant des couples en thérapie dans mon cabinet, je leur propose (notamment) de sortir de cette spirale et d'expérimenter dans l'espace thérapeutique, espace sécurisé, d'autres façons de communiquer : exprimer explicitement son besoin, proposer ce que l'on souhaite pour le couple, plutôt que d'accuser l'autre d'être ce qu'il est, de faire ce qu'il fait... Tout en remettant en lien les jeux relationnels à l'oeuvre dans le couple avec ce qui avait été vécu dans leurs familles d'origine.

Une citation du livre que j'aime beaucoup "les conflits n'éclatent que si les deux partenaires ont tous les deux raison", "et là où nous avons raison, il ne repoussera jamais de fleurs" nous dit le poète Yehudi Amichaï.

Une petit livre qui éclaire sur un sentiment très partagé dans nos couples et nos familles, qui invite à un juste et équitable dosage (responsable!) de culpabilité!

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