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Tenter de penser le procès Pélicot et pouvoir encore vivre avec les hommes

  • eleonorebechaux
  • 22 avr.
  • 3 min de lecture

Dernière mise à jour : il y a 4 jours

Manon Garcia, philosophe féministe, vient de publier un essai sur le procès Pelicot, Vivre avec les hommes. Elle a assisté à l'intégralité du procès et partage ses réflexions, indispensables, pour tenter de penser l'impensable. Elle redéfinit aussi très précisément les concepts de consentement, de masculinité et de virilité, termes au coeur des débats actuels.

Son titre m'a semblé infiniment juste. Au fil des prises de conscience de l'étendue des violences sexuelles qui touche notre pays, oui, cela me semble l'un de nos défis, pouvoir vivre avec les hommes.

Comme beaucoup d'entres nous, j'ai été très remuée par l'"affaire Pélicot" puis son procès, et continue de l'être. Certes, il s'agit d'un procès historique et international, de démonstration de la culture du viol, dénoncée depuis tant d'années par les féministes.


Et en même temps, il démontre que la justice ne pourra jamais à elle seule répondre et endiguer cette culture du viol et bat en brèche l'optimisme post #metoo.

En effet, quand un seul homme, Dominique Pélicot, peut trouver 70 hommes dans un rayon de 20km capables de venir à son domicile violer sa femme sédatée, qu'imaginer de l'échelle nationale? Soixante-dix hommes d'une grande banalité, qui n'ont en commun que le fait d'être des hommes, de tous âges et de tous milieux sociaux. Certains sont même réputés généreux, bénévoles aux Restos du coeur, de bons pères de familles, de bons maris... La justice à elle seule ne pourra stopper la culture du viol sans un déclic de notre part à toutes et à tous!


Au-delà même de la culture du viol, cette affaire interroge la sexualité dans les couples hétérosexuels.

L'excuse donnée par certains accusés de la rareté des relations sexuelles dans leurs couples m'a interpelée. Avoir des relations sexuelles avec son épouse ou avec une inconnue sédatée serait donc équivalent? Ce serait une simple réponse à un besoin primaire incontrôlable?


Ceci est en fort échos à ce que j'entends trop souvent dans mon cabinet de thérapeute systémique. Combien de femmes se forcent dans leurs couples à avoir des relations sexuelles non désirées, pour éviter bouderies, crises et autres tracas avec leur conjoint... Combien d'entres elles parlent de leur culpabilité de manquer de désir et de ne pas pouvoir répondre à celui, "constant", de leur conjoint, bien souvent confondu avec un fort besoin qui serait naturel? Avouons-le, beaucoup d'entre nous avons intégré cette idée que les hommes auraient par essence plus de besoins sexuels que les femmes. Or Titiou Lecoq nous rappelle dans son livre "Les grandes oubliées de l'histoire" qu'au Moyen-Âge les femmes étaient vues comme lubriques et brûlées sur la place publique pour cela, alors que les hommes, eux, savaient se contenir! Désormais, les hommes seraient soumis à leurs pulsions, à leurs besoins primaires et dans l'incapacité de les gérer... En 2025, il serait temps que nous puissions tous et toutes dépasser enfin cette construction culturelle me semble-t'il!

Parmi les autres sujets qui m'ont particulièrement intéressé dans ce livre: la silenciation de l'inceste. Même Gisèle Pélicot qui, par son choix de rendre public son procès, a permis une onde de choc internationale sur la culture du viol, a refusé de faire le procès de la famille. Comme dans bien des familles, quand une révélation arrive, c'est une véritable boîte de Pandore qui s'ouvre et concerne tout le monde ... Il y a donc des oublié.e.s dans ce procès. La fille de Gisèle et Dominique, Caroline, qui au fil du procès va sembler s'effondrer face au silence de son père qui n'avouera jamais l'avoir violée. Leur petit-fils aussi, comme Caroline, ne pourra être reconnu comme victime. La dynamique systémique familiale n'est pas dépliée et regardée dans toutes sa complexité. On désigne des indivdus en oubliant bien souvent tout le système familial de dominations, de confusions des places, de silences et de peurs, sur plusieurs générations, dont l'inceste et le viol sont l'une des manifestations. Sans la reconnaissance de toutes les responsabilités et de toutes les victimes, ce système risque encore de répéter sa dynamique délétère...

Je vous invite vivement à lire ce livre et à le partager, en particulier à des hommes. Nous avons tous et toutes à apprendre de ce procès, à tenter de penser ce qui s'y est dit et ainsi de changer enfin de paradigme dans nos conversations entre femmes et hommes. A mon sens, c'est le minimum que nous devons au courage de Gisèle Pélicot, de sa fille Caroline, de leur petit-fils, et de toutes les victimes de viol et d'inceste. A leur courage d'avoir survécu. A leur courage de trouver les mots et les pensées pour que cela puisse enfin être dicible et audible de tous et toutes. En nous questionnant, en nous remettant tous et toutes en questions, nous pourrons peut-être un jour changer cette insupportable culture du viol et pleinement vivre ensemble, femmes et hommes.


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